Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
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Paris 10, 11 et 12 Mai /71

Monsieur A. Grünberg, Vienne

Je vous confirme, Monsieur, ma lettre des 8 et 9 Ct et celle de ma femme, pour Madame Grünberg, du 11 Ct. Votre honorée du 6 Ct m’est arrivée hier, j’y vois que vous avez bien reçu les divers documents que je vous ai adressés. Pour la Note des Marchandises qui se trouvent en consignation chez Mr D. Wallerstein de New-York, j’ai eu le soin de n’y pas faire figurer les objets vendus dont écriture a été passée, et à moins que vous n’ayez eu avis d’une f vente faite depuis la date du 30 juin /70, vous pouvez être certain qu’aucun des objets vendus avant cette date n’y figurent. Je ne trouve pas dureste la note dont vous me parlez dans les papiers que vous avez laissés à votre dernier séjour.

L’occasion s’étant présentée de souslouer la maison de Croissy, je n’ai pas cru devoir la laisser échaper, dautant plus que votre lettre du 24 Avril dans laquelle vous me disiez : que vû les circonstances actuelles vous ne croyez pas être tenu au contrat pour la campagne, ne renfermait pas l’ordre de ne pas la souslouer. Quelle que soit la décision arrêtée, ultérieurement, dans la délicate question des locations, les propriétaires ne pourront être entièrement sacrifiés, et les fs 2,500, prix de la souslocation que je viens de faire, viendront toujours atténuer un peu la somme qui sera déterminée. J’ai compris, dureste, que la réserve que vous paraîssiez faire dans le cas où Mme Eymond ferait une démarche auprès de moi, avait trait aux Termes arriérés qu’elle pourrait me demander. J’ai touché fs 1,250 comptant et l’autre moitié sera exigible le 1er Octobre prochain. Les personnes, qui entrent, amènent un mobilier complet et à part deux lits de Mme Eymond qui restent dans la maison, tout le reste a été déménagé. Tout ce qui vous appartient est rentré, hier, rue Royale, et les objets de Mme Eymond ont été déposés chez Mr Brun dont la maison est voisine de la vôtre, et qui a pu obliger, sans se gêner, cette dame. Dureste, Mme Eymond n’étant pas à Paris, pour le moment, il m’a été bien plus facile de traiter avec Mme Leblanc toutes ces questions de détail. J’ai surtout cherché à éviter de ramener à Paris le mobilier de Mme Eymond, frais qui vous eussent incombés et qui, dans les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, atteignent des prix fabuleux. Pour vous en donner un exemple, les personnes, qui viennent de s’installer dans la maison de Croissy, ont payé fs 300 deux voitures à deux chevaux. J’ai fait un sous-seing privé en double que j’ai calqué sur votre contrat avec Mme Eymond, j’en ai retranché des articles qui ne pouvaient y figurer, je vous en enverrai la copie par prochain courrier.

Notre situation ne s’améliorera réellement que lorsque l’armée de Versailles aura franchi l’enceinte, les combats sous les murs de Paris deviennent de plus en plus acharnés, les Fédérés opposent une résistance héroïque, le sang coule tous les jours. Toute conciliation est aujourd’hui impossible, la guerre civile se prolonge, cependant elle aura une fin, l’une des deux parties qui se combattent sera victorieuse. Tout porte à croire que le droit légal triomphera, mais à quel prix, mon Dieu ! cette guerre est sans précédent, on doutera de l’histoire un jour.

J’ai écrit plusieurs lettres à Monsieur Louis dont je n’ai pas encore de nouvelles, n’est-il pas à Bruxelles ? je le suppose tout ailleurs, car sans cela j’aurais certainement une réponse à ma dernière lettre.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments dévoués.

Louis Guillier

P.S. Je vous prie, Monsieur, de présenter mes respects à Madame votre Mère et de vouloir bien me rappeler au souvenir de Monsieur Arnold.—