Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
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Paris 27 et 28 Avril /71

Monsieur A. Grünberg, Munich

Je vous confirme, Monsieur, ma lettre des 25 et 26 Ct.

Après de minutieuses recherches, je n’ai pu encore mettre la main sur l’Inventaire 1869 que vous désirez et je me borne, pour aujourd’hui, à vous envoyer, seulement, le relevé des Ctes Cts M. Simondetti et I. Schwabacher. Vous remarquerez pr ce dernier compte, qu’il n’a jamais été crédité que des frais de négociation de fs 18,900. à l’échéance du 25 Avril /70. Pour les six opérations du même genre, aux échéances des 10 Mai, 8 Juin, 6 Juillet, et 5 Août 1870, nous n’avons jamais pu parvenir à obtenir de Mr Jacques des Bordereaux de négocation, et comme suivant les banquiers auxquels la négociation est faite, les intérêts varient de 2½ à 3 pr% et les commissions de ¼ à ⅛ pr%, il m’est impossible de vous en établir le compte pour le moment. Quand aux documents que vous désirez pour vous fixer les prix des objets qui sont à Londres, si je n’arrivais pas à trouver l’Inventaire 1869, je vous enverrais toujours, demain, la Note des objets vendus depuis le 1er Janvier 1870, celle des objets restants confiés à votre départ, à part cependant celle des objets confiés à Mr Blumenthal et celle des objets qui ont été le motif de l’ouverture du Cte Warrant dont vous avez probablement mis, quelque part, les notes et lettres qui ne figurent pas sur les livres. Dureste, comme vous avez emporté, à votre dernier départ, la Note de tous les objets expédiés, par l’entremise de Monsieur Kunst, au moment de l’investissement de Paris au mois de Septembre, je joindrai la note du prix de tous ces objets dont j’ai conservé le double.

Les opérations militaires, autour de Paris, deviennent de plus en plus importantes et actives. Les forts d’Issy et de Vanves ont essuyé un bombardement tellement terrible qu’ils sont presque complètement démantelés et réduits au silence. Le fort de Mont-rouge, lui-même, est très compromis. La canonnade est tellement vive de part et d’autre, que depuis 48 heures elle ne décesse pas et que tout Paris s’émeut de cette lutte fratricide qui doit faire tant de victimes. Notez que ce combat acharné s’étend de Choisy-le-Roy à Asnière et que rien de pareil ne s’était passé quand les Prussiens nous investissaient. On ne comprend pas que la conciliation n’intervienne pas pour faire cesser pareille guerre.

J’ai dirigé encore aujourd’hui, rue Richelieu, des malles d’objets précieux. Louise qui a conservé sa chambre au cinquième, nous prête son concours très dévoué, et comme, suivant vos ordres, ses gages et frais de nourriture ont été arrêtés fin Mars, elle aura droit à rémunération pour ses bons offices, si vous le jugez à propos.

Au moment de votre départ, vous m’aviez dit d’envoyer fs 100 au mari de la nourrice, ne l’ayant pas fait immédiatement, j’ai craind, quelques jours plus tard, que la désorganisation du service des Postes ne fit courrir des risques à cet envoi. Aujourd’hui cette expédition devient impossible, veuillez en avis l’interessée.

Marceline, la cuisinière de Mr Kunst, qui avait été très souffrante, va mieux, on lui a appris avec tous les ménagements possibles la mort de sa bonne maîtresse.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments dévoués.

Louis Guillier

P.S. J’aime à penser, Monsieur, que vous êtes complètement remis de votre foulure au bras.—