Paris 19 et 20 Avril /71
Monsieur A. Grünberg, Munich
Je vous confirme, Monsieur, ma lettre des 17 et 18 Ct.
Depuis trois jours vous avez pu vous appercevoir que mes lettres portent deux dates, et si je ne vous écris que tous les deux jours, c’est que réellement les opérations militaires sont lentes et dénuées d’intérêt. A part une canonnade presque constante des fédérés destinée sans-doute à inquiéter les mouvements de troupes versaillaises sur les hauteurs de Chatillon jusqu’à Courbevoie, à part quelques engagements d’avant-postes qui font beaucoup plus de bruit que de besogne, les engagements sérieux n’ont pas commencé encore, et qui est-ce qui en souffre ? les malheureux habitants de Sèvres, Boulogne, St Cloud, Suresne, Puteaux, Courbevoie, Neuilly, Levallois, Champs-Perret et Asnières qui se trouvent entre deux feux presque constants, et qui n’ont pu encore obtenir un armistice de quelques heures pour pouvoir quitter leurs caves et se ravitailler. Il y a là une question d’humanité à laquelle les belligérants restent sourds et qui provoque une indigation générale. Comme à fin de compte, malgré le ralentissement du feu des Versaillais, celui des fédérés prend chaque jour une intensité plus grande, la Commune assume sur elle une responsabilité qui est loin de lui gagner des adhérants. Cette lutte fratricide prend un caractère horrible et inhumain qui terrifie tout le monde.
Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations bien empressées.
Privé de toutes nouvelles même de celles de Monsieur Louis à qui j’ai écrit deux fois à Bruxelles, je me perds en conjectures. Par la voie de Bruxelles et de St Denis je ne comprends pas que je ne reçoive pas de lettres de vous, car presque journellement on reçoit un courrier rue des petites Ecuries. Depuis votre dernière lettre du 24 Mars je n’ai reçu signe de vie de ame qui vive.—
J’écris par ce même courrier à Monsieur Louis.—