Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
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Paris 8 Avril /71

Monsieur A. Grünberg, Munich

Je vous confirme, Monsieur, ma lettre du 7 Ct.

La bataille est plus engagée que jamais entre Courbevoie et Neuilly, de 5 heures du matin à la nuit c’est une canonade constante, il paraît évident que l’armée de Versailles veut entrer à Paris par la porte Maillot. La petite dimension des obus lancés par le Mont-Valérien prouve que l’on veut, autant que possible, ménager les immeubles voisins de la porte de Neuilly, mais malheureusement on compte déjà bien des victimes de l’éclat de ces obus qui tombent maintenant en deça de la Barrière de l’Etoile jusque dans l’avenue des Champs Elisées. Depuis ce matin, les curieux se sont repliés de l’arc de Triomphe de l’Etoile jusqu’au rond point de l’avenue où se trouvent les jets d’eau. Les obus et les boites à mitraille tombent drus jusqu’à cette limite. Ma femme ne vit plus depuis deux jours, la situation de sa mère nous laisse dans des angoisses mortelles. Ne pouvant obtenir, pour moi, un laisser passer pour Neuilly, vu qu’il y a une queue de 3 ou 4,000 personnes à la Préfecture de Police, elle vient d’obtenir, pour elle et sa bonne, un laisser-passer à la Mairie rue d’Anjou, Louise l’a accompagnée, elles doivent faire leur possible pour ramener ici Mme Dallemagne qui se trouve depuis 7 jours bombardée et cannonée. L’entreprise est périlleuse, mais en sortant par la porte d’Asnière, elles peuvent, par un long détour à droite de Neuilly, arriver à la maison N°6 rue du Marché. Elles viennent de partir, vous comprendrez mes inquiétudes.

Recevez, Monsieur, mes salutations bien empressées.

Louis Guillier

Il est 8 heures du soir, Dieu soit loué, ces Dames viennent d’arriver, un obus est tombé, en quittant la maison, à cent pas d’elles, heureusement elles n’ont pas été atteintes. Nous voilà plus tranquilles, mais ma belle-mère ne voulait pas quitter son mobilier, et elle n’a cédé qu’à la menace que Clara lui a faites de venir chaque jour s’enquérir de ses nouvelles.—