Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
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Paris 22 Mars /71

Monsieur A. Grünberg, Bruxelles

Je vous confirme, Monsieur, ma lettre du 21 Ct.

Encore une journée néfaste marquée de sang. Je vous ai parlé hier d’une manifestation des amis de l’ordre, aujourd’hui rendez-vous était pris à une heure sur la place du Nouvel Opéra d’où elle devait partir beaucoup plus nombreuse qu’hier, désirant en faire partie et voyant qu’il y avait peu de monde encore à une heure, je me dirigeai vers la Bourse pour voir Monsieur Louis, la corbeille était déserte, les affaires nulles, mais il y avait énormément de monde et beaucoup d’effervescence à propos de la situation anormale dans laquelle nous nous trouvons. On parlait de cette seconde manifestation qui devait se faire comme hier sans armes, et plusieurs personnes se disposaient à se rendre au rendez-vous. En gagnant le Boulevard pour m’y rendre, arrivé au coin de la rue Richelieu, je vis un grand mouvement, on descendait le Boulevard des Italiens en criant : aux armes, on assassine rue de la Paix. La manifestation des amis de l’ordre s’était engagée de la Place de l’Opéra dans la rue de la Paix, et au moment où elle se présentait à la hauteur des rues Neuve des Capucines et Neuve des Petits Champs elle avait été accueillie, sans sommations, à coups de fusils. On parle d’une trentaine de personnes tant tués que blessés, et parmis les tués on cite un Mr Halphen banquier, rue de Provence, je crainds que ce soit Mr Joseph. Tous les magasins viennent de se fermer, les omnibus ne circulent plus, on dit que les Bataillons de Belleville et de Montmartre descendent pour doubler tous les postes, il est cinq heures cependant, et rien n’a encore paru.

Les journaux du soir citent parmis les premières victimes, que l’on assure être au nombre de vingt-deux, M.M. Raphaël Felix, Georges Cadoudal, Hottinguer et deux mobiles de la Seine, espérons qu’ils ne sont que blessés.

Recevez, Monsieur, mes salutations bien empressées.

Louis Guillier