Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
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Paris 14 Décembre /70

Monsieur A. Grünberg, Munich

Je vous confirme, Monsieur, ma lettre du 13 Ct.

Le dégel dont je vous parlais hier est complet, la température s’est élevée aujourd’hui à 14°, nos soldats vont moins souffrir. Il est vrai que la pluie tombe, mais qu’attendre de la saison dans laquelle nous nous trouvons? mieux vaut encore la pluie que 6° de froid audessous de zéro. Les événements militaires retardés par la rigueur du froid vont probablement avoir lieu très prochainement, ils sont désirés surtout par nos braves troupes qui ont un entrain admirable. Les Gardes-nationaux mobilisés sont splendides, nous les voyons passer à tous moments nouvellement équipés, ils sont acclamés, ce sont des enfants de Paris qui marchent brâvement pour défendre leur foyer et la Patrie. Quant à nous sédentaires qui ne sommes appelés qu’à la défense des remparts, nous nous surprenons à regreter de ne pas nous joindre à leurs rangs.

La vie alimentaire se ressent évidemment beaucoup de l’état d’investissement dans lequel nous nous trouvons, mais enfin, si la viande ne fait que de rares apparitions sur notre table, (viande de cheval bien entendu) nous avons fait quelques provisions de riz, de pâtes, de conserves de légumes et autres denrées qui nous font prendre patience, et puis nos santés sont si bonnes, grâce à Dieu, que toutes ces privations se supportent gaillardement. La nourriture du corps est encore suffisante, mais celle du cœur nous manque complètement, aussi le jour où nous aurons signe de vie de vous et des vôtres, nous pourrons nous dispenser de manger, car la joie comme la douleur resserent les estomachs.

Puissiez-vous nous faciliter cette economie le plutstôt possible.

Veuillez, Monsieur, présenter nos respects à Madame Grünberg, et agréez, je vous prie, l’expression de mes sentiments dévoués.

Louis Guillier

Ma femme vient de rentrer furieuse, on lui a fait un choux fs 12, mais c’était un beau choux.