Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
|

Dimanche 20 9bre 1870

Bien chère Madame,

Je reviens des remparts, où je suis allée avec maman Gaston et Bibi faire une visite à mon mari qui est de garde. Il est cinq heures et je veux par le ballon (qui partira cette nuit) vous envoyer mon souvenir!

Nous avons parfaitement aperçu, d’une maison de Passy, le mont Valérien dans tous ses détails ; une redoute Prussienne à Clamart ; le château en ruines de St Cloud et Montretout ; Dieu ! que l’aspect du bois est affreux!

Monsieur Rau est venu nous voir en mon absence j’ai beaucoup regretté sa visite ; il va très-bien.

Il y a deux jours, le journal officiel nous annonçait la défense de huit heures de combat à Dijon et sa prise enfin par le bombardement. Nous sommes toujours sans nouvelles de notre famille habitant cette ville, et nous espérons qu’ils auront tous passé en Suisse.

La prise d’Orléans par l’armée de la Loire a fait un bien immense à la population Parisienne ! Espérons!

Tout va bien ici ; Antonio se remet, Louise vous présente ses respects ; Irma travaille à la fabrication des cartouches.

Latis est très bien soigné et Bibi, l’inséparable de Gaston nous révèle des trésors d’amabilité et d’intelligence. Quant à Tabac, il est devenu levrier par le régime alimentaire mais Bibi ayant perdu son embompoint est rajeunie.

La ration de 50 grammes de viande tous les trois jours se continue mais nous avons un moyen qui nous sauve : tous les deux jours, un officier de Neuilly, habitant notre maison nous procure un morceau de bœuf .. .. .. que l’on emporte en cachette; le chat se vend sur les marchés 5 et 6 francs, le chien 10 à 12 francs (aussi je veille sur bibi et elle ne sort qu’avec nous.) et enfin, horreur ! les rats s’engraissent!

Ce bavardage, qui ne manque pas d’intérêt pendant un siège, vous parviendra-t-il?

J’espère vous lire bientôt par le moyen de ces lettres-dépêches que mon mari a envoyées à Mons. Grünberg il y a deux jours?

Je rapporte de mon excursion un bouquet de marguerites, je vous en envoie une, aimbable Madame, consultez la sur notre destinée?

Mille amitiés à Monsieur Grünberg, et à vous, chère Madame, et aux enfants, toutes mes tendresses.

Tout à vous de cœur,

Clara Guillier