Paris 19 Novembre /70
Monsieur A. Grünberg, Munich
Je vous confirme, Monsieur, ma lettre du 18 Ct.
D’après une dépêche de Gambetta à Jules Favre, datée du 13 Ct, l’ennemi aurait évacué Dijon complètement et l’administration préfectorale y aurait repris son cours. Cette nouvelle rassurante me laisse encore bien des inquiétudes car aucun détail sur l’occupation ne nous est encore parvenu.
La première ascension de nuit pour les ballons a eu lieu la nuit dernière, le Ballon Gal Ulric s’est enlevé à une heure du matin par un temps calme, mais un brouillard épais. Il était porteur de 300 kilog. de dépêches et j’espère bien que mes deux lettres importantes des 17 et 18 Ct étaient du nombre. Puisse un bon vent lui être favorable, car de son heureux atterissement dépend, pour nous, la réception de vos chères nouvelles. Quelle reconnaissance ne devons-nous pas à ces harids nautoniers, qui se risquent ainsi à l’aventure pour aller donner de nos nouvelles à nos parents et amis. Mais nous avons pris, surtout, le pigeon en affection, puisque c’est lui seul qui doit nous apporter les vôtres. Je lui vote une motion qu’il aura bien mérité de la Patrie, c’est à renoncer désormais à le manger aux petits pois.
La santé de votre brâve Antonio est bien ébranlée, et je crainds bien qu’il ne se relève pas de là. Le médecin le trouverait mieux à l’hôpital, mais comment arriver à l’y décider? Il serait capable de passer de vie à trépas dans le trajet. Il est soigné le mieux possible, et je crois que ce qu’il y a de mieux à faire c’est de patienter, sa forte constitution résistera peut-être.
Recevez, Monsieur, l’expression de mes sentiments dévoués.
P.S. Etant de garde aux remparts demain, ma femme …