Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
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Paris 1er Novembre /70

Monsieur A. Grünberg, Munich

Je vous confirme, Monsieur, ma lettre du 30 octobre écoulé et celle de ma femme du 31.

La Journée du 31 octobre a été triste sous bien des rapports, à 7 hres 1/2 j’étais sous les armes pour rejoindre mon Bataillon qui se rendait aux Remparts, et les feuilles du matin nous donnaient dabord la nouvelle de la capitulation de Metz et celle de la reprise du Bourget par l’ennemi. C’est sous ces tristes impressions que, par une pluie fine et froide, nous nous rendions au 57me Bastion qui se trouve à la Muette. A 10 heures 1/2 du soir, nous eumes une alerte qui n’était pas faite pour nous remettre des émotions de la journée, une animation singulière régnait sur les remparts, des estaphetes se succédaient à de courts intervales, la Générale battait dans tout Paris, une tentative audacieuse venait d’être faite à l’Hôtel de Ville, une poignée de factieux conduite par les Flourens, Blanqui et Félix Piat s’était ruée dans la salle des délibérations du Gouvernement et s’y était installée pour décréter la Commune. A minuit, nous étions relevés de notre poste par la Garde-Mobile, et nous étions dirigés sur la Place Vendôme pour attendre les ordres. C’est là, qu’à 3 heures et demie du matin, le Gal Trochu délivré miraculeusement d’entre les mains de ces forcenés par le 106me Bataillon de la Gde Natle, est venu nous passer en revue et nous remercier de notre concours. J’avais les pieds à la glace et la tête en feu et vous pouvez vous imaginer la surprise de ma femme me voyant rentrer à cette heure indue. Ces Dames n’avaient pas fermé l’œil de la nuit, elles croyaient Paris à feu et à sang. Heureusement encore, nos cartouches ne nous ont pas servi cette fois, à part deux ou trois coups de révolvère qui n’ont [tronqué]

Il est deux heures de l’après midi, l’Hôtel de Ville est gardée par des Bataillons de Gardes-Mobiles et de Grades-Nationaux qui n’ont pas, comme nous, passéé la nuit à la belle étoile, aucune nouvelle tentative ne paraît devoir être faite.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments dévoués.

Louis Guillier