Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
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Bien chère Madame,

Mon mari qui est de garde me cède ses droits pour écrire et j’en suis réellement heureuse : les nouvelles de ce matin sont tristes : Metz vient de se rendre ! Hier, nous avions occupé le Bourget et cette position a été reprise par les Prussiens ; aussi tous ceux qu’on aborde aujourd’hui sont tristes et découragés!

Monsieur Rau monte aussi la garde aux remparts non loin de mon mari, aussi ces Messieurs espérent de faire une petite visite l’arme au bras.

J’espère que les quelques lignes que je vous adresse partiront demain par notre aimable ballon.

Le temps est affreux ; il pleut depuis hier d’une manière horrible et les canons Prussiens arrivés depuis peu, auront de la peine à être établis.

La vie morale, intellectuelle, est vous le voyez, chère Madame, peu souriante, mais la vie alimentaire est presque impossible pour certains bourses.

Le bœuf est limité à 90 grammes par jour ; le cheval devient très rare et l’âne plus encore. Le beurre ne se truve qu’à 18 francs la livre ; la graisse à 4 francs très ordinaire, un lapin coûte 19 à 20 francs, un poulet 10 francs, et un pâté très ordinaire vaut huit à dix francs.

Nous absorbons de cette manière beaucoup de conserves, de pâtes et de jus de viande en flacons. Louise gagnera par ce régime peut-être beaucoup d’économie mais moi par opposition je sortirai de là très gourmande, attendu que ma tête travaille sans cesse à composer quelque plat nouveau : hier, c’était du riz cuit à l’eau et au sucre, puisqu’il n’y a plus de lait et arrosé de rhum mais c’était insignifiant comme notre siège!

Je vous quitte chère Madame, car je dîne en ville, afin d’être moins seule; quelle chance de ménager pour un jour mes provisions ; on en est arrivé là.

Je vous embrasse bien tendrement, et je serre affecteusement la main à Monsieur Grünberg.

Votre toute dévouée

Clara Guillier

Antonio se remet bien lentement.

Gaston embrasse vos chers enfants ; il est inséparable de bibi et c’est son vrai jouet préféré, aussi bibi dîne toujours avec nous et elle se bourre de pains d’épice Ségault.

Latis va très bien et ne s’aperçoit pas de la guerre.