Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
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1er Juin /71

Bien chère Madame,

J’ai reçu ce matin une toute affectueuse lettre datée du 21 Mai et je vous en remercie vivement. Depuis que je puis circuler enfin dans notre chère ville, j’en parcours les ruines presqu’avec avidité, espérant que les désastres sont exagérés ! Hélas ! tous les incendies ne sont pas mentionnés ; le quartier du Luxembourg où se trouvait une poudrière que les Insurgés ont fait sauter a bien souffert, et à chaque rue notre cœur se déchire à la vue du sang qui indique encore la fusillade expiatoire. J’ai vu Monseigneur ; la foule attristée se presse auprès de cette victime, et la Madeleine ne désemplit pas ; la mort de Monsieur Deguerry m’a vivement affectée ; la veille de son arrestation, il avait témoigné à mon Gaston une marque toute particulière d’intérêt ; que de larmes sont répandues ! Que d’amis ont disparu ! Mais oublions nos douleurs, et essayons en remerciant Dieu, de nous réjouir, nous sommes le seul coin qui n’ai pas brûlé ; le 16 brûlait et envoyait ses langues de feu sur les matelas des fenêtres qu’il était impossible d’enlever alors que les balles arrivaient comment grillé dans le salon ! les tentures, le piano et l’orgue en ont reçu ; les écroulements se sont encore fait entendre cette nuit ; nous n’avons cependant pas vu toutes les horreurs ! Louis est arrivé au milieu des obus dès l’arrivée de l’armée, alors qu’il a été sur de ne pas être pris par les insurgés ; Mr Magnin (l’emballeur) était réfugié sur une toiture près d’une cheminée il ne pouvait se montrer et il voyait hélas, des femmes, des enfants au milieu des flammes, et qu’on ne pouvait sauver ; six victimes ont été retrouvées dans la maison en face ! Que nous ayons tous enfin des jours meilleurs, et puissions-nous beaucoup oublier mais que je soupire après le repos ! Gaston est palot(?) ; il a vivement senti ces douleurs, et sa nature y gagnera une mâturité précieuse !

Adieu, bien chère Madame, le courrier me presse, je vous embrasse de toute mon âme ; mon Gaston envoie mille baisers à la petite famille.

Clara Guillier

Mr Rau nous annonce son arrivée ; nous sommes heureux de le revoir ! Je serre affectueusement la main à Mr Grünberg.