Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
|

Paris 30 et 31 Mai /71

Monsieur A. Grünberg

Je vous confirme ma lettre des 28 et 29 Ct.

Paris mutilé sort peu à peu de sa torpeur, on ne peut faire un pas sans découvrir une ruine fumante encore, une maison défoncée, des barricades à peine enlevées, il y en avait tant. On se surprend à craindre que tout ne soit pas fini, et que quelques nouvelles œuvres de destruction ne surgissent tout-à-coup. Le système nerveux très ébranlé s’émeut au moindre bruit. Hier, nos oreilles, qui devraient être aguerries, ont eu à subir une détonation qui nous a donné un avant goût du bruit qu’aurait produit la mine du Ministère de la Marine, qui devait sauter, et qu’un hasard providentiel a pu prévenir heureusement. La maison qui fait le coin de la rue St Honoré, vis-à-vis la maison, complètement incendiée avait plusieurs pans de mur dont les inclinaisons menaçaient de faire de grands dégats sur notre façade. On a dû faire jour la mine et l’opération a parfaitement réussi, seulement cela nous a coûté quelques vitres de plus.

La maison est peu habitable, entre l’horreur de cet entourage de ruines le jour, la nuit on repose peu, car les écroulements sont fréquentes et comme les décombres fument toujours on est encore sur le qui vive.

Mr Wertheimer cousin de Madame Grünberg est venu nous voir hier soir.

Je me suis encore informé, aujourd’hui, si les rentrées dans Paris se fesaient, ils paraît que l’on éprouve de grandes difficultés. Quant à sortir, il n’y faut pas songer pour le moment.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations bien empressées.

Louis Guillier

P.S. J’ai écrit hier à Monsieur Louis que je suppose à St Denis et ai adressé ma lettre à Mr Alkan pour la faire suivre au besoin.—