Paris 2 Avril /71
Monsieur A. Grünberg, Munich
Je vous confirme, Monsieur, toutes mes lettres successives du 19 Mars à ce jour.
Il y a eu un engagement assez sérieux ce matin à Courbevoie, le Mont-Valérien occupé par des troupes, dit-on, a lancé des obus sur plusieurs bataillons de Gardes-Nationaux sortis de Paris en destination de Versailles. Un colonel de Gendarmerie aurait été tué et les Gardes-Nationaux auraient été très éprouvés par des décharges de mitrailleuses. Les renseignements sur cette collision sont si variés que l’on ne sait à quoi s’en tenir. Toujours est-il que plusieurs obus sont tombés dans l’avenue de Neuilly, que plusieurs maisons ont été atteintes et qu’il y a eu onze à douze personnes de tuées, qui se trouvaient en promenade sur les allées de l’avenue.
Cet événement a produit une grande émotion parmis les promeneurs des Champs Elysées du dimanche et à partir de quatre heures les divers Bataillons fidèles à la Commune, et ils sont nombreux, se sont dirigés vers les portes de Neuilly, Passy et Auteuil. On parle d’une sortie générale pour marcher sur Versailles. Le chemin de fer de la Rive droite est coupé, on ne va à Versailles que par la rive gauche. Le service des Postes est complètement désorganisé, je ne reçois rien de vous et il en est peut-être de même de mes lettres qui restent dans la boite du Bureau de la Madeleine. Enfin la lutte est commencée et si la troupe ne donne pas, nous aurons les Prussiens à Paris sous peu de jours.
Recevez, Monsieur, mes salutations, mes salutations bien empressées.