Nouvelles de Paris

Une collection de lettres de 1870-1871 envoyées depuis Paris au cours du siège par les Prussiens, puis de la Commune.

Personnes impliquées dans les lettres Notes techniques liées à la transcription
|

3 8bre 1870

Chère Madame,

Je viens avec bonheur causer avec vous mais que vous dire ? des choses toujours tristes ou pénibles, terrible conséquence de la guerre!

Le dernier engagement a eu lieu y a trois jours ; 1,300 hommes français hors de combat, on ignore les pertes de l’ennemi.

Ce matin, j’ai assisté à la messe à la Madeleine pour un convoi de 13 morts qui ont succombé hier, à l’Ambulance, à leurs blessures.

Ah ! que c’était triste ! et combien j’ai pleuré, en songeant que ces hommes, prussiens ou français étaient des pères de famille!

Ma mère me quitte aujourd’hui ; elle va habiter avec mon frère rue St Florentin; l’Intendance quitte le Palais royal par précaution. La garde Mobile, qui a passé à Neuilly, a pillé et dévasté les maisons où ils ont séjourné ; les cantinières ont emporté beaucoup de porcelaines, pourvu que ce ne soit pas celles de ma mère ; quand au vin, razia complète.

Hier Monsieur Rau nous a fait le plaisir de diner avec nous ; il est charmant; c’est un jeune homme plein de cœur, et qui résume bien en lui les amabilités de tous les siens!

Ce matin, il a passé avec son bataillon allant à l’exercice ; cet élan patriotique est très beau de sa part, et depuis ce jour, nos sympathies ont grandi pour lui!

Hier Monsieur votre frère nous disait qu’il avait établi un poulailler dans sa mansarde ; l’idée est excellente et je regrette bien la vente des poules de Chatou.

Mon mari monte une garde pour jusqu’à demain midi ; que cette nuit là est longue et terrible pour moi!

Enfin ! Dieu aura peut-être pitié de nous tous!

Strasbourg a succombé ! Mais quel héroïsme!

On parle de prendre les chevaux de luxe mais nous espérons, si le cas arrivait, sauver Latis ; mon frère déclarerait qu’il le monte / on ne vérifiera pas.

Bibi va très bien et ne fait qu’un avec Gaston ; nous l’avons à table avec nous, attendu qu’Antonio la nourissait comme un garde-mobile et Bibi ne pouvait plus bouger.

Adieu, bien chère Madame, qu’il me tarde de vous revoir tous, et de vous lire pour le moment!

Au milieu de ces temps de calamités, mon affection pour vous, chère Madame, a encore grandi et je puis vous assurer la sincérité bien grande de nos sentiments pour vous et votre cher mari embrassez vos enfants pour nous, et surtout de la part de Gaston.

Tout à vous de cœur,

Clara Guillier