Paris 25 7bre 1870
Monsieur A. Grünberg, Munich.
Je vous confirme, Monsieur, ma lettre du 23 Ct. et celle de ma femme du 24 Ct. Après 28 heures de garde aux Fortifications je viens de rentrer à Midi. Nous avons eu deux alertes pendant la nuit, elles peuvent offrir quelques charmes à ceux qui sont militaires par état, mais je assure que pour nous, soldats d’hier, ça n’est pas drôle dutout. Ce cri : aux armes qui retentit dans le poste et nous arrache à un sommeil agité que nous cherchons à prendre entre les heures rapprochées d’une faction, n’a rien de gai, et Messieurs le Baron Alphonse de Rothschild et Fould qui font partie de la 3e Cie, trouvent, comme moi, qu’il vaudrait mieux nous faire monter la garde dans l’intérieur de Paris, que de nous exposer ainsi, nous autres pères de famille, à la garde d’un Bastion qui peut d’un moment à l’autre recevoir des obus et des boulets ennemis. Enfin, à la grâce de Dieu, nous en sortirons peut-être sains et saufs.
Jusqu’à présent, les travaux exécutés par l’ennemi pendant la nuit pour établir des batteries d’Artillerie, sont régulièrement anéantis le lendemain par les feux de nos Forts. Etant de faction, j’ai vu, au mont Valérien, la fumée de deux coups de canons, les journaux du matin disent qu’ils étaient destinés à des colonnes ennemies cherchant à camper à Chatou et Croissy.
Nos compliments empressés à Madame Grünberg, et veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments dévoués.
Jules Favre a cherché à obtenir un armistice pour pouvoir établir un gouvernement régulier en nommant une Constituante, les prétentions du Roi de Prusse ont été tellement exorbitantes pour l’accorder, que le gouvernement n’a pu les accepter.
J’espère que le service des ballons de la poste vous facilitera la réception de mes lettres, pour nous, c’est différent nous ne recevons rien.